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La contribution pour l’enfant doit-elle être fiscalisée ou défiscalisée ?

La pension alimentaire ou contribution aux frais d’éducation et d’entretien d’un enfant doit elle être fiscalisée ? Autrement dit, la contribution aux frais d’éducation et d’entretien perçu par le parent qui a la charge de l’enfant doit-elle être déclarée par le créancier au titre de ses revenus, incluse dans les revenus soumis à l’impôt. Réciproquement, doit-elle donner lieu à réduction d’impôt pour le parent débiteur ?

En France, acutellement, les sommes versées au titre d’une contribution aux frais d’éducation et d’entretien d’un enfantsont déductibles du revenu global de celui qui les verse ou les paye. Cette déductibilité est prévue à l’article 156 II. 2° du Code Général des Impôts (CGI). Elle est illimitée pour les enfants mineurs, limitée pour les enfants majeurs. Pour l’imposition des revenus de 2018, la déduction est limitée à 5 888 € par enfant majeur.

Les sommes déduites constituent un revenu imposable à déclarer par le bénéficiaire dans la rubrique « pensions alimentaires perçues ». Le montant à déclarer par le bénéficiaire correspond au montant admis en déduction.

https://www.impots.gouv.fr/portail/particulier/pensions-alimentaires

Telles sont les règles fiscales actuellement applicables en France. Cela veut dire que, suivant le montant de ses revenus, le parent créancier d’une contribution aux frais d’éducation et d’entretien d’un enfant ne bénéficie pas de la totalité du montant de sa pension, puisqu’il devra verser au fisc une partie de cette contribution. En outre, dans la mesure où le montant des revenus imposables déclenche ou barre l’accès à certaines aides sociales et familiales ou en réduit le montant, la perception d’une contribution aux frais d’éducation et d’entretien peut, dans certains cas, entraîner une réducation de certaines prestations.

A l’inverse, le parent débiteur d’une contribution aux frais d’éducation et d’entretien d’un enfant pourra, selon qu’il est imposable ou non, réduire le montant de ses impôts, s’il verse une contribution aux frais d’éducation et d’entretien. La fiscalisation de la contribution constitue donc une aide fiscale de l’Etat en faveur du parent créancier, mais cette aide est conditionnée au montant des revenus. Seuls les parents imposables bénéficient de cette aide, car les parents non imposables ne bénéficient pas, à ce titre, d’un impôt négatif.

Est-ce logique ? Est-ce juste ? Lorsque les parents vivent ensemble, et que l’un d’eux contribue financièrement aux frais d’éducation et d’entretien de l’enfant, cette contribution ne donne lieu à aucun dégrèvement. Laide fiscale n’intervient qu’en cas de séparation. La fiscalisation des pension alimentaire répond-elle à un objectif légitime en terme de politique familiale ?

Plusieurs pays de niveau de développement démocratiue et économique comparable à la France ont choisi la défiscalisation des pensions alimentaires.

C’est le cas notamment du Québec :

« Le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants prévoit la défis- calisation de ces pensions lorsqu’elles sont établies pour la première fois ou lorsqu’elles sont modifiées selon un jugement rendu ou une entente écrite conclue après le 30 avril 1997 . Ainsi, les débiteurs ne doivent pas les déduire de leurs revenus, et les créanciers ne doivent pas les y inclure . De façon générale, seules les pensions pour enfants qui doivent être payées après le 30 avril 1997 peuvent être défiscalisées. »

La question de savoir si la contribution aux frais d’éducation et d’entretien doit être fiscalisée ou défiscalisée mérite donc d’être posée et étudiée.

Impact fiscal et social du barème

Impact fiscal et social du barème et propositions de France stratégie, note de juin 2015

France Stratégie a réalisé une simulation du barème sur 5 000 cas et analysé les conséquences de l’application du barème en mesurant les aides directes et indirectes de l’Etat. L’aide directe est apportée par les caisses d’allocations familiales sous formes d’allocations et de prestations, l’aide indirecte résulte des réductions du barème de l’impôt en fonction du quotient fiscal. Ces aides directes et indirectes se distribuent de manière inégale entre les parents séparés. Le parent qui exerce un large droit d’accueil supporte des frais d’entretien en nature, ne perçoit plus de prestations familiales et doit payer une contribution à l’autre parent pour participer aux frais d’éducation et d’entretien de l’enfant qui sont supportés principalement par le parent chez qui réside habituellement l’enfant, tandis que le parent qui a la résidence principale de l’enfant perçoit cette contribution ainsi que l’intégralité de ces prestations. La contribution doit donc tenir compte de cet impact social, très fort pour les bas revenus.

Les méthodes alternatives envisageables ont en commun
 d’intégrer les effets du système socio-fiscal dans le calcul
 de la pension, elles diffèrent par la méthode d’évaluation
 du coût de l’enfant et par la clé de répartition de ce coût
 entre les deux parents.
 une première manière de fixer les pensions alimentaires
 serait de partager entre les deux parents, à proportion de
 leurs revenus disponibles, le coût privé des enfants après
 la séparation (barème n° 1). il s’agit, selon Alain Jacquot18,
 de la méthode la plus conforme au code civil. Ce coût est
 calculé comme la somme des coûts d’entretien des enfants
 estimés chez le parent gardien et chez le parent non gardien,
 nets de leur prise en charge publique (« avantage
 socio-fiscal enfants »). Ce coût privé global est ensuite
 partagé entre les parents au prorata de leurs revenus disponibles
 respectifs.
 une deuxième voie, proche de la première, consiste toujours
 à partager entre les deux parents le coût privé des
 enfants après la séparation, mais cette fois à proportion
 de leurs niveaux de vie, c’est-à-dire en prenant en compte
 la composition de leur nouveau ménage (barème n° 2). À
 revenus disponibles égaux, le parent gardien est donc
 moins mis à contribution, puisque son niveau de vie est
 plus faible que celui du parent non gardien (son ménage
 comportant plus d’unités de consommation).
 Ces deux barèmes présentent toutefois un inconvénient
 majeur du point de vue du bien-être de l’enfant. Dans les
 deux cas en effet, le coût de l’enfant est calculé comme un
 pourcentage du revenu du ou des parents avec lesquels il
 habite. Par conséquent, lorsque le parent gardien est pauvre,
 le coût estimé de l’enfant est faible, donc la pension
 alimentaire due par le parent non gardien est faible, même
 si ce dernier dispose de revenus confortables.
Un troisième voie consisterait à concevoir un barème qui intègre 
le coût de la séparation. La pension y est
calculée en référence au coût des enfants estimé avant la séparation, coût que l’on majore de 40 % pour tenir compte
du surcoût lié à l’existence de deux foyers de vie pour les
enfants. On se rapproche donc de la logique
du barème proposé par le ministère de la Justice, puisqu’il
s’agit d’une logique de maintien de la dépense. Mais ce
barème intègre mieux le surcoût de la monoparentalité, le
coût lié à l’exercice du droit de visite et d’hébergement
pour le parent non gardien et l’impact du système sociofiscal.
Comme dans le barème n° 2, ce coût est partagé
entre les parents au prorata de leurs niveaux de vie.

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