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Claire Neurinck, la cour de cassation et la table de référence

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MOTIVER LE JUGEMENT EN FONCTION DES FACULTÉS CONTRIBUTIVES

Dans une courte note publiée sous l’arrêt de la 1ère chambre prononcé le 23 octobre 2013, la professeure Claire Neirinck de la faculté de droit de Toulouse, approuve la cour de cassation pour avoir rappelé aux juges qui utilisent, pour fixer le montant de la contribution aux frais d’éducation et d’entretien, la table de référence publiée par circulaire ministérielle que la loi leur impose de motiver leurs jugements en fonction des « facultés contributives » des parents et des besoins de l’enfant. Une circulaire ne peut remplacer la loi.

Voici quelques extraits de cette note, parue dans la revue mensuelle Droit de la famille – Lexisnexis Jurisclasseur, décembre 2013 p 44.

« Antérieurement, les besoins de l’enfant créancier de l’obligation d’entretien n’entraient pas en ligne de compte : il bénéficiait automatiquement du train de vie de ses père et mère. (…) Depuis la loi du 4 mars 2002, son calcul repose sur les ressources des parents débiteurs et les besoins de l’enfant créancier (C. civ., art 371-2). Mais ce calcul n’est pas simple à établir et il prend du temps. Aussi, pour faciliter et unifier le travail des juges aux affaires familiales, la chancellerie a mis au point une table de référence annexée à la circulaire du 12 avril 2010 (Circ. CIV/06/10, 12 avr. 2010).

(…) La table de référence propose, on le comprend, une approche économique théorique, identique pour tous les enfants, indifférente à leur rang dans la fratrie, à leur âge, à leurs besoins effectifs… Le « coût de l’enfant » est ensuite appliqué sous forme de pourcentage, en l’occurrence 18%, aux revenus du parent débiteur de la pension alimentaire. Enfin, ce pourcentage est pondéré en considération du temps de prise en charge de l’enfant, selon qu’il s’agit d’une résidence alternée ou d’un droit de visite plus ou moins large. Ce système (…) ignore les spécificités de chaque dossier.

(…) On ne peut en conséquence que se réjouir de ce sobre arrêt qui réintroduit le droit dans le calcul de l’obligation d’entretien exécutée sous forme pension alimentaire. La Cour de cassation, en effet, sanctionne l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers pour avoir justifié par la table de référence le montant de la pension alimentaire mise à la charge du parent débiteur. Comme l’énonce l’arrêt, le fait qu’elle soit annexée à une circulaire ne lui confère aucune valeur normative, les circulaires en étant elles-mêmes dépourvues dans l’ordre judiciaire. La Cour de cassation rappelle ainsi fermement aux juges aux affaires familiales que la loi leur impose de motiver le montant de la contribution d’entretien qu’ils fixent par des considérations tirées des seules facultés contributives des parents et des besoins de l’enfant ».

La table de référence et la cour de cassation

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COUR DE CASSATION, LA CONTRIBUTION ET LE BARÈME

(…)

Vu l’article 371-2 du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Marion est née le 25 octobre 1999 de M. X. et M me Y. ; qu’après leur séparation, celle-ci a saisi le juge aux affaires familiales pour que la résidence habituelle de l’enfant soit fixée à son domicile, qu’un droit de visite et d’hébergement soit attribué au père et que soit fixée la contribution de celui-ci à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ;
Attendu que, pour condamner M. X. à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence « indexée » à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de 1 500 euros par mois et exerçant un droit d’accueil « classique » une contribution mensuelle de 140 euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;
Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu’il a fixé à 140 euros par mois pour la période du 28 décembre 2010 au 13 février 2012 le montant de la contribution de M. X. à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et à 180 euros par mois cette même contribution à compter du 13 février 2012, l’arrêt rendu l’arrêt rendu le 13 février 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes (…).

Référence : Cass. 1ère civ., 23 oct. 2013, n° 12-25.301 : JurisData n° 2013-023208