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Eric Bazin, l’arrêt de la cour de cassation du 23 octobre 2013

table 2015ERIC BAZIN, NOTE SOUS ARRÊT

Dans cette note publiée dans La Semaine Juridique Édition Générale n° 49, 2 Décembre 2013, sous l’arrêt du 23 octobre 2013, Eric Bazin, magistrat, rappelle les conditions et raisons de l’élaboration d’une table de référence, enregistre le rejet de ce barème par la cour de cassation et analyse celui-ci comme une provocation à l’égard du législateur ou du ministère de la justice, afin de clarifier le statut légal de cette table.

« Dans une circulaire du 12 avril 2010 (…) le ministère de la Justice a diffusé une table de référence purement indicative afin d’aider les praticiens à fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Cette table est le fruit d’un groupe de travail interdisciplinaire (V. J.-C. Bardout et I. Lorthios, La table de référence des contributions aux frais d’éducation et d’entretien : Dr. famille 2010, étude 24. – I. Sayn et C. Bourreau-Dubois, Présentation de la table de référence pour fixer le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants : AJF 2010, p 458. – Adde, Les contentieux familiaux : Lextenso, Les intégrales, p. 418-419, n° 1034) qui s’est inspiré des expériences étrangères (V. J.-C. Bardout, Expériences étrangères. Droit et pratiques comparées des pensions alimentaires pour enfant : Dr. famille 2010, dossier 2. – V. encore, J.-C. Bardout, Les conditions procédurales de l’utilisation des barèmes en matière de pension alimentaire – l’apport du droit comparé : AJF 2007, p. 428) et fondé sur l’article 371-2 du Code civil aux termes duquel « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant » (la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a ainsi voulu rappeler dans un texte fondateur et de principe que chaque parent est tenu de contribuer à l’entretien et à l’éducation de ses enfants mineurs ou majeurs encore à charge). »

Eric Bazin retient de l’arrêt du 23 octobre 2013, que la première chambre civile de la Cour de la cassation « interdit aux juges des affaires familiales de se fonder sur cette table ».

(…) La question de droit posée à la Haute juridiction est ainsi la suivante : le juge peut-il fixer une contribution à l’entretien et à l’éducation d’un enfant par référence à un barème mis à sa disposition par une circulaire du ministère de la Justice ?

La première chambre civile de la Cour de cassation répond négativement en décidant, au visa de l’article 371-2 du Code civil, qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, l’article susvisé. »

Selon Eric Bazin, la cour de cassation rappelle aux juges qu’ils ne peuvent pas se contenter « d’appliquer mécaniquement un barème sans motiver leur décision selon les critères légaux et les éléments de fait de l’espèce ».

« Pour autant, cela ne signifie pas que le barème instauré par cette table de référence est remis en question (V. La table de référence des pensions alimentaires retoquée, Forum Famille Dalloz, 24 oct. 2013. – Adde, l’interview de J.-C. Bartout, in Le Barème des pensions alimentaires est-il remis en question ? : AJF 2013, p. 598). En effet, la Cour de cassation n’a certainement pas voulu interdire aux juges du fond de s’aider en utilisant un barème des pensions alimentaires (…), d’autant plus que les barèmes sont nombreux (il suffit de mentionner pour le plus important le barème d’indemnisation des préjudices corporels fréquemment utilisé dans les juridictions. (…). D’ailleurs, le juge n’est pas tenu de s’expliquer sur le barème qu’il utilise pour prendre sa décision car sa seule obligation consiste à motiver sa décision en fonction des critères posés par la loi et des données de l’espèce. À ce titre, il n’existe pas de violation du principe du contradictoire s’il ne mentionne pas dans sa décision qu’il se réfère à un barème préétabli car le barème en question ne s’impose ni aux parties ni au juge lui-même qui doit s’assurer des conditions d’application de la loi et statuer sur la demande formulée (…).

(…) La solution dégagée par la Cour de cassation dans cet arrêt du 23 octobre 2013 est très explicite : le juge familial doit impérativement, concrètement et seulement apprécier les capacités contributives des parents et les besoins de l’enfant pour fixer la contribution alimentaire sans qu’il puisse faire référence à une table annexée à une circulaire dont les montants de contribution restent prédéterminés.

REPENSER LE RÔLE DU JUGE EN MATIÈRE DE PENSION ALIMENTAIRE

Si cette solution rendue par la Cour de cassation est indiscutable sur le plan de l’orthodoxie juridique, elle constitue assurément une provocation. En effet, dans l’optique du projet de loi « famille » (…) et les réflexions actuelles sur le juge du XXIe siècle, la question de l’office du juge en matière des pensions alimentaires se pose désormais avec acuité. Il serait temps, à l’instar de nombreux pays étrangers, d’organiser des méthodes administratives de fixation des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants en fonction de tables de référence à charge d’appel devant le juge. Cette contribution ne serait alors discutée qu’à la condition de justifier que l’application de la table de référence se révélerait injuste ou inappropriée (V. Les conditions procédurales de l’utilisation des barèmes en matière de pension alimentaire – l’apport du droit comparé : AJF 2007, p. 428, J.-C. Bardout). Ce serait permettre aux juges du fond de retrouver pleinement son office pour les cas les plus litigieux… C’est d’ailleurs le périmètre du juge qui doit être aujourd’hui retravaillé par le législateur (…).

Eric Bazin discute encore la question de la prise en compte ou non des charges.

« En conclusion, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 octobre 2013 met l’accent sur la nécessité de modifier ardemment la fixation des pensions alimentaires en France. À l’heure d’une justice familiale asphyxiée, la question d’une fixation administrative des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants mérite d’être étudiée.

Éric Bazin, La Semaine Juridique Édition Générale n° 49, 2 Décembre 2013, 1269

pour consulter le document complet, cliquez sur le lien :

Historique, projets et évaluation de la table de référence (2013)

Historique, projets, évaluations et critiques de la table de référence. Revue de la littérature économique et juridique de 1980 à nos jours (6è partie : 2013)

Antoine Garapon, Sylvie Perdriolle, Boris Bernabé (2013), Rapport au garde des sceaux, l’office du juge au 21è siècle, Recommandation 1 « Des conférences nationales de consensus pour élaborer et diffuser des barèmes indicatifs », mai 2013

« Dans certaines contentieux, des normes simples peuvent être partagées, ce qui n’exclut pas un recours au juge en cas de conflit sérieux, le barème restant une source indicative. Une méthode participative associant les justiciables et les acteurs publics ou privés concernés permettrait d’élaborer des références communes. On songe à des barèmes de pension alimentaire qui pourraient être conçus dans le cadre d’une commission réunissant toutes les parties concernées (associant familiales, organismes publics tels que la CNAF et toutes autres parties intéressées) et qui seraient ensuite rendus publics pour devenir des références communes au moment d’une séparation. De tels barèmes, connus de tous, permettraient de prévenir les litiges et favoriseraient le travail de conseil des avocats. »

CGSP (2013), « Comment partager équitablement le coût des séparations », note au premier ministre, Commissariat général de la stratégie et de la prospective, 2013

Le Centre d’analyse stratégique a simulé, pour plusieurs centaines de cas, l’impact de la séparation sur le niveau de vie des parents et de leurs enfants lorsque l’on calcule la pension alimentaire en utilisant ce barème. Ces simulations prennent en compte le coût, pour le parent non gardien, de l’exercice de son droit de visite et d’hébergement et intègrent les prestations monétaires et les économies d’impôts dont bénéficient chacun des parents du fait de leurs enfants.

Elles montrent que l’application du barème indicatif aboutit, en l’état actuel de la législation socio-fiscale, à demander un sacrifice de niveau de vie sensiblement plus important au parent non gardien qu’au parent gardien.

« CALCUL DE LA PENSION ALIMENTAIRES DANS LES DIFFÉRENTS BARÈMES

PA : pension alimentaire ;

RDg : revenu disponible du parent gardien ;

RDng : revenu disponible du parent non gardien ;

UCEg : nombre d’unités de consommation « enfants » affectées au ménage du parent gardien ;

UCEng : nombre d’unités de consommation « enfants » affectées au ménage du parent gardien ;

GSFEg : gain socio-fiscal dont bénéficie le parent gardien du fait de ses enfants ;

GSFEng : gain socio-fiscal dont bénéficie le parent non gardien du fait de ses enfants

  • Barème 1

Le coût de l’enfant après la séparation est estimé en référence au rapport entre les unités de consommations attribuées aux enfants et l’ensemble des unités de consommation du ménage. Le coût privé correspond à ce coût dans chacun des ménages, net du gain socio-fiscal procuré par les enfants :

La contribution du parent non gardien au coût de l’enfant est égale par définition au coût d’entretien de l’enfant lié à son droit de visite et d’hébergement, net du gain socio-fiscal dont il bénéficie du fait de l’enfant (concrètement, il s’agit, en cas de garde classique, de la déduction du revenu imposable de la pension alimentaire versée) et majoré de la pension alimentaire. Celle-ci doit dont vérifier la relation suivante :

  • Barème 2

Le coût privé de l’enfant après la séparation ne change pas. Ce coût est cette fois partagée au prorata des niveaux de vie des parents. La pension alimentaire doit donc vérifier :

La pension alimentaire doit vérifier la relation :

  • Barème 3

Le coût privé avant la séparation vérifie :

Pour que la contribution du parent au coût privé de l’enfant soit calculée au prorata de son niveau de vie, la pension alimentaire doit vérifier, après majoration de 40% du coût de l’enfant avant séparation :

. »

La note présente et discute trois modes alternatifs pour le calcul des pensions :

« 1. modifier la législation socio-fiscale pour qu’elle prenne mieux en compte la situation des parents gardiens et non gardiens ;

2. ou modifier la table de référence pour le calcul des pensions alimentaires ;

3. ou , a minima, proposer aux juges et aux parents l’outil Openfisca pour simuler la situation financière des deux ménages issus de la séparation, en prenant en compte l’effet des impôts et des transferts sociaux. »

Cécile Bourreau-Dubois, Jean-Claude Bardout, Bruno Jeandidier, Isabelle Sayn, note à la DACS, Réponse synthétique à la note du CGSP, octobre 2013

« Un barème de pension alimentaire doit être un outil simple. Il faut que les règles de calcul soient comprises par les parties pour favoriser l’utilisation de l’outil et l’effectivité du paiement des pensions.

En France, la fixation des pensions alimentaires se fait dans un cadre judiciaire. Or on sait que les informations socio-économiques auxquelles le magistrat a accès sont limitées et qu’il ne dispose que d’un temps très limité pour traiter le dossier. Le magistrat doit disposer d’un outil permettant d’objectiver la discussion sur le montant de la pension alimentaire et non d’un outil conduisant à introduire dans la discussion des dimensions potentiellement conflictuelles (ex : la remise en couple des ex-conjoints).

Ces considérations de principe étant posées, il est envisageable de faire évoluer le barème actuel afin de mieux tenir compte du coût de l’enfant vivant dans deux ménages séparés et des charges fixes supportées par le parent « non résident » en cas de temps de résidence classique. Les données statistiques utiles pour y parvenir ne sont pas disponibles pour l’instant. »

Cour de cassation, 1re civ. – 23 octobre 2013. Cassation partielle No 12-25.301. – ca angers, 13 février 2012. M. Charruault, pt. – mme capitaine, rap. – m. Sarcelet, av. Gén. – Me foussard, av.

« Viole par fausse application de l’article 371-2 du code civil une cour d’appel qui fonde sa décision fixant le montant de la contribution d’un parent à l’entretien et à l’éducation de son enfant sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, dès lors qu’il lui incombe de fixer le montant de ladite contribution en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci. »

Cette décision a été suivie de nombreux commentaires dans la presse juridique.

La semaine Juridique, édition générale, no 46, 11 novembre 2013, actualités, No 1161, p. 2056 (« la créance d’entretien, une contribution à proportion des ressources des parents »).

Semaine Juridique, no 49, 2 décembre 2013, jurisprudence, No 1269, p. 2209 à 2211, note Eric Bazin (« interdiction de se fonder sur la table de référence pour fixer une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants »),

Recueil Dalloz, no 38, 7 novembre 2013, actualité/droit civil, p. 2518 (« enfant (pension alimentaire) : fixation du montant de la contribution »), la semaine Juridique, édition notariale et immobilière, no 46, 15 novembre 2013,

Actualités, no 1096, p. 8 (« la créance d’entretien, une contribution à proportion des ressources des parents »),

Gazette du palais, No 352-353, 18-19 décembre 2013, jurisprudence, p. 11 à 13, Note Isabelle Sayn (« du recours aux outils d’aide à la décision par le juge civil : l’exemple de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants »),

Revue actualité juridique famille, No 12, décembre 2013, jurisprudence, p. 703-704, note Sylvain Thouret (« contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants : exclusion de la table de référence »),

la revue droit de la famille, No 12, décembre 2013, commentaire no 162, p. 44-45, note Claire Neirinck et Jean-Claude Bardout (« table de référence »),

la revue Juridique personnes et famille, no 12, décembre 2013, p. 31 à 33, Note Isabelle Corpart (« précisions sur l’utilisation des tables de référence pour fixer la pension alimentaire »),

L amy Droit civil, no 110, décembre 2013, actualités, no 5322, p. 46, note Karine Ducrocq-Pauwels (« fixation de la contribution à l’entretien de l’enfant : limites d’une table de référence »).

Bardout Jean-Claude (2013), « Le barème des pensions alimentaires est-il remis en question ? » Interview, AJ Famille, Novembre 2013

Cet arrêt ouvre un débat plus qu’il ne le clôt.

Le principe du débat contradictoire veut que le juge ne se décide qu’en fonction des éléments de fait et de droit contradictoirement débattus devant lui. Il n’est pas bon que les décisions soient prises en fonction d’éléments exclus du débat et des motivations. C’est d’ailleurs ce que font la majeure partie des juges, en pratique : utiliser un barème sans le dire, afin de n’encourir aucune critique.

Neyrinck Claire, Bardout Jean-Claude (2013), Note et commentaire, contribution aux frais d’éducation et d’entretien des enfants, Table de référence, Droit de la famille, Lexisnexis jurisclasseur, décembre 2013, p.44

Neyrinck Claire : La Cour de cassation rappelle fermement aux juges aux affaires familiales que la loi leur impose de motiver le montant de la contribution d’entretien qu’ils fixent par des considérations tirées des seules facultés contributives des parents et des besoins de l’enfant.

Bardout Jean-Claude : Le parent qui exerce un droit d’accueil assume directement et en nature des frais d’entretien (nourriture, loisirs, logement).

C’est cette réalité qui est prise en compte par la table de référence, en prévoyant que le parent qui accueille régulièrement l’enfant à son domicile contribue pour partie, en nature, et pour partie, par une pension alimentaire.

Le montant de cette pension est, dans la table de référence, diminué (de 25%) pour tenir compte de cette participation.

Il n’est donc pas (rigoureusement) exact de dire que la contribution qui n’exerce qu’un droit de visite restreint (ou n’accueille jamais l’enfant) est augmentée. Le montant recommandé par la table en cas de droit de visite et d’hébergement réduit ou inexistant correspond au contraire à la contribution du parent débiteur définie en fonction de ses revenus compte tenu des besoins de l’enfant. C’est au contraire la pension alimentaire du parent qui exerce régulièrement un droit de visite et d’hébergement qui est diminuée de 25 %, pour tenir compte de sa contribution en nature.

L’article 373-2-2 du code civil prévoit cette possibilité en énonçant que la contribution peut « en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant ».

Bazin Éric (2013), Interdiction de se fonder sur la table de référence pour fixer une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, La Semaine Juridique Edition Générale n° 49, 2 Décembre 2013

« En d’autres termes, les juges d’appel ne pouvaient se contenter d’appliquer mécaniquement un barème sans motiver leur décision selon les critères légaux et les éléments de fait de l’espèce. C’est donc pour n’avoir pas rempli leur office que la décision rendue par les juges d’appel angevins est cassée. Plus exactement, la Haute juridiction sanctionne la motivation de ces juges.

Pour autant, cela ne signifie pas que le barème instauré par cette table de référence est remis en question. En effet, la Cour de cassation n’a certainement pas voulu interdire aux juges du fond de s’aider en utilisant un barème des pensions alimentaires, d’autant plus que les barèmes sont nombreux (il suffit de mentionner pour le plus important le barème d’indemnisation des préjudices corporels fréquemment utilisé dans les juridictions. D’ailleurs, le juge n’est pas tenu de s’expliquer sur le barème qu’il utilise pour prendre sa décision car sa seule obligation consiste à motiver sa décision en fonction des critères posés par la loi et des données de l’espèce. À ce titre, il n’existe pas de violation du principe du contradictoire s’il ne mentionne pas dans sa décision qu’il se réfère à un barème préétabli car le barème en question ne s’impose ni aux parties ni au juge lui-même qui doit s’assurer des conditions d’application de la loi et statuer sur la demande formulée.

Si cette solution rendue par la Cour de cassation est indiscutable sur le plan de l’orthodoxie juridique, elle constitue assurément une provocation. En effet, la question de l’office du juge en matière des pensions alimentaires se pose avec acuité. Il serait temps, à l’instar de nombreux pays étrangers, d’organiser des méthodes administratives de fixation des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants en fonction de tables de référence à charge d’appel devant le juge. Cette contribution ne serait alors discutée qu’à la condition de justifier que l’application de la table de référence se révélerait injuste ou inappropriée. »

Sayn Isabelle (2013), Commentaire d’arrêt, La gazette du Palais, 2013

« Si cette décision devait inaugurer l’interdiction faite au juge d’utiliser de tels outils, elle serait à la fois vaine et inadéquate. Vaine parce que ces outils sont très répandus chez les praticiens, qui souhaitent notamment assurer une plus grande égalité entre des justiciables se trouvant dans des situations elles-mêmes comparables. Inadéquate parce qu’elle conduirait à évacuer le recours à ces outils du débat, aussi bien du débat contradictoire qui se noue à l’occasion du procès que du débat public qui permet, l’usage de ces outils étant admis, de discuter des modalités et des choix qui ont présidé à leur élaboration et de les faire évoluer.

En effet, les magistrats, pouvant craindre de voir leurs décisions censurer à raison d’une utilisation explicite d’un outil d’aide à la décision pourraient revenir à la situation antérieure et utiliser le barème de façon occulte, non seulement en évitant de s’y référer dans les motifs de leurs décisions, mais également en s’abstenant d’informer les parties qu’ils utilisent un tel outil. C’est la situation qui prévalait avant la diffusion de la table de référence en cause par le ministère de la justice et elle semble peu compatible avec l’obligation faite au juge d’observer et faire observer le principe de la contradiction. Ajoutons à cela que rien n’interdit aux parties de s’y référer et de mettre le barème dans le débat, plaçant le juge dans l’obligation de répondre. »

Ministère du droit des femmes (2013), Simulateur de pension alimentaire pour enfant, http://femmes.gouv.fr/simulateur-de-pension-alimentaire/

En 2013, le ministère du droit des femmes met en ligne, sur son site internet, un simulateur qui permet aux parents de calculer le montant de la contribution aux frais d’éducation et d’entretien d’un ou plusieurs enfants, par application de la table de référence.

Comme dans la table de références, les informations requises sont les revenus du parent débiteur, auquel est soustrait automatiquement un minimum vital basé sur le montant du Revenu de solidarité active, le nombre total d’enfant à la charge du débiteur, les modalités du droit de visite et d’hébergement (classique, réduit ou alterné).

Quelle est l’autorité juridique du barème ?

La table des pensions alimentaires n’a pas force de loi. Quelle est son autorité juridique ? Le barème n’a qu’une valeur indicative. Seuls ont force de loi les montants définis par accords et conventions parentales homologués par le juge et les montants fixés par jugements et ordonnances d’un juge délégué aux affaires familiales. Cependant, c’est une norme de référence.

La table de référence offre une aide pour les parents, pour les avocats, pour les juges, car elle préconise un montant à partir de certains critères objectifs. Les montants préconisés reposent sur l’estimation macroéconomique du coût de l’enfant en France et selon les revenus des parents, un minimum vital, le nombre d’enfants à charge, les temps respectifs d’accueil.

Ces montants n’ont qu’une valeur indicative. Les parents peuvent solliciter ou offrir un montant moindre ou supérieur. Le juge fixera le montant, dans les limites de ce que demandent et offrent les parents. Les parents peuvent mettre en avant les particularités de leur situation, par exemple les besoins de leur enfant (école privée, activités sportives ou artistiques couteuses, problèmes de santé) ou leur situation économique particulière.

La circulaire du 12 avril 2010 précise toutefois que la table de référence « a vocation à se substituer aux barèmes officieux ». Il est en effet préférable que, si un barème est utilisé à titre de référence, celui-ci soit connu des parties et puisse être discuté.

En pratique, la table est fréquemment utilisée à titre de référence par les avocats pour proposer à leurs clients le montant qui sera offert ou réclamé devant le juge aux affaires familiales. Elle est utilisée par les parents pour déterminer ce montant à l’amiable et éventuellement en demander l’homologation au juge aux affaires familiales. La table sert de référence aux juges pour fixer le montant de la pension lorsqu’un désaccord existe à ce sujet entre les parents.

Le barème en six questions

Qui ?

Qui édite la barème ? Le barème des pensions alimentaires a été publié par circulaire du ministère de la justice le 12 avril 2014 sous le titre table de références des contribution aux frais d’éducation et d’entretien des enfants.

Quoi ?

Qu’est-ce que la table de référence ? C’est un barème indicatif à l’usage des parents, des avocats et des magistrats. Ce barème recommande les montants de contribution par enfant, en fonction du revenu, du nombre d’enfant, des modalités de résidence et d’accueil de l’enfant. Cette table permet de fixer le montant de la contribution que l’un des parents devra payer à l’autre pour contribuer aux frais d’éducation et d’entretien des enfants, sur la base de références objectives.

Comment ?

Comment ce barème a-t-il été élaboré ? La table de référence a été élaborée par un groupe de magistrats, économistes et juristes réuni à l’initiative du Ministère de la justice en 2010. Cette table a été élaborée sur la base des études économiques de l’insee relative au coût de l’enfant et des jurisprudences habituelles des Juge aux affaires familiales. La table a fait l’objet d’une évaluation au cours d’un phase d’expérimentation au sein de la cour d’appel de Toulouse, puis publiée à l’usage de l’ensemble des juridictions.

Pourquoi ?

Pourquoi recourir à un barème pour fixer le montant d’une contribution ? L’existence d’une table de référence valable pour toutes la grande majeure partie des situations familiales facilite la conclusion d’accord entre les parents et pacifie les procédures judiciaires. La table de références permet aux parents de connaître le montant de la contribution qui pourrait être fixée. Elle permet aux avocats de conseiller utilement leurs clients et favoriser la conclusion d’une transaction. Elle permet aux juges d’harmoniser leurs jurisprudences et de fonder leur décisions sur une estimation objective du coût d’entretien de l’enfant dans un ménage, en fonction de la composition familiale et des ressources des parents.

Pour qui ?

Pour qui le barème est-il fait ? La table de référence est destinée à aider les parents, soit à fixer le montant de la contribution de manière amiable, soit à formuler une demande ou proposition devant le juge. La table est destinée aux avocats, pour les aider à formuler une demande au nom des parents qu’ils représentent ou assistent devant la justice. Elle est destinée aux Juge aux affaires familiales pour les aider à fixer le montant de la contribution et pour harmoniser leurs jurisprudences. également aux magistrats qui, tout en conservant leur pouvoir souverain d’appréciation, dans la limites des demandes et offres exprimées par les parties.

Quand ?

Le barème a été diffusé par circulaire du 12 avril 2010. Il a été réédité en 2011 et 2013. La table de références des pensions alimentaires a été élaborée en 2008 par un groupe de travail composé de magistrats, économiste et juriste, réuni à initiative du Ministère de la justice. Il a fait l’objet d’une expérimentation dans les tribunaux de la cour d’appel de Toulouse en 2009 puis de différentes évaluations, par simulation, enquête, comparatifs. L’idée d’un barème a été émise en 1999, par Dekeuwer Deffossez dans son rapport sur la rénovation du droit de la puis par le doyen Guinchard dans son rapport en 2008.